Entrevue #27: Brigitte Bourger (2022)
“Stances Océanes” / Entrevue par Laura Galinier
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Brigitte Bourger est originaire de France métropolitaine et vit depuis plus de 35 ans en Polynésie française. Pharmacienne de profession, elle consacre maintenant tout son temps à la photographie. Elle a travaillé ces trois dernières années sur le projet " Ephémères impressions », une série de photographies qui montre la fragilité du monde marin polynésien. Ses nouveaux projets vont vers la création photographique artistique liée au monde marin dont elle est entourée.
Voici l’entrevue de Laura Galinier avec elle…
LG/Quand et comment avez-vous commencé à vous intéresser à la photographie? Quelles ont été les étapes importantes de votre parcours?
BB/Toute petite déjà, je me suis intéressée à la photographie en voyant travailler mon oncle dont la spécialité photographique était le portrait. Par la suite, j’ai eu la chance de faire des voyages dans des lieux mythiques et j’ai pris goût à la photo de paysage. Cependant, prendre une photo n’est pas être photographe; depuis que je suis à la retraite, j’ai eu plus de temps à consacrer à cette passion — avec autant d’enthousiasme et surtout beaucoup plus de rigueur.
La première étape a été de me former et de me perfectionner dans les domaines techniques grâce à des stages et à des formations via internet. J’ai tout d’abord été intéressée par la photographie animalière, puis rapidement je me suis orientée vers la photographie minimaliste, dont la démarche générale correspond bien au style que je souhaitais donner à mes photos, et cela grâce à des photographes de renom qui m’ont beaucoup inspiré (Michael Kenna, Michael Levin, Jonathan Chrichtley).
Depuis peu, je suis partagée entre la photographie minimaliste qui résonne toujours en moi et une approche plus abstraite qui m’attire de plus en plus.
LG/Comment expliquez-vous cette attirance pour l’élément eau?
BB/Je vis en Polynésie française depuis plus de 35 ans et l’eau fait partie de mon quotidien; elle ne pouvait que devenir ma source d’inspiration principale. C’est un lien émotionnel très fort que je ressens face à l’océan, à cette immensité qui m’entoure et qui laisse tant de place à l’imaginaire. Son perpétuel mouvement, ses changements de couleurs, d’intensité et de lumière me donnent chaque jour l’envie de la montrer sous des aspects oniriques différents des clichés habituels de carte postale.
LG/Vous dites être partagé entre la photographie minimaliste et la photographie abstraite, ces deux approches ont-elles des points en commun selon vous?
BB/Il y a pour moi des différences fondamentales entre ces deux courants photographiques mais ceux-ci sont bien évidemment complémentaires. Le minimalisme impose un sujet unique qui a toute sa place dans l’image mais la place occupée dans celle-ci est capitale. Il demande beaucoup de rigueur dans le choix du sujet, dans la composition de l’image et dans son rendu final. Le sujet doit être mis en valeur de manière à avoir un impact fort sur le spectateur.
La photographie abstraite est plus tolérante puisque le sujet à disparu pour faire place à l’essentiel: la matière même des éléments qui nous entourent.
Sujet, composition, cadrage sont moins importants pour laisser la place à une pure création visuelle. La photographie abstraite est évidemment beaucoup plus instinctive, elle peut se pratiquer partout en tout temps et en toute heure. Il faut juste être très attentif car les instants magiques sont très fugaces.
A l’instar de certains peintres comme Kandinsky, Manessier, Lapicque ou beaucoup d’autres je m’oriente par goût de plus en plus vers l’essentiel (même si l’essentiel peut être très différent selon l’objectif recherché) : c’est le point commun que je vois entre ces deux courants photographiques. Je trouve ce cheminement plutôt logique en ce qui me concerne. En partant de la photographie de paysage très figurative, mon langage photographique s’est restreint, mon style est devenu plus épuré au point d’en arriver souvent aux formes abstraites.
LG/Quelles sont les étapes communes à l’émergence de vos photos?
BB/Tout d’abord je recherche particulièrement les sujets qui correspondent bien à mon style photographique. Le plus souvent et quel que soit le sujet choisi, je réfléchis au message que je veux transmettre à travers la photo. Ce sera mon interprétation très personnelle d’un sujet que tout le monde peut voir. Ensuite je travaille le plus souvent en série, pour créer un dialogue entre les images elles-mêmes. Un mélange de minimalisme avec des photos moins réelles permet ainsi de raconter l’ « histoire » dans son ensemble.
LG/Pensez-vous vos images avant de les réaliser ou est-ce l’immédiateté de la situation qui vous guide?
BB/En général, je fais des repérages, et particulièrement pour la photographie minimaliste (sur place ou par internet). Tout cela est plus simple si je suis dans mon environnement polynésien, car je peux choisir les moments idéaux (lumière, météo, horaires). En voyage, je dois m’adapter aux contraintes de temps sur place et je dois être beaucoup plus réactive même si les conditions idéales ne sont pas remplies. Pour ce qui est de la photographie abstraite, qui est beaucoup plus instinctive, cela dépend surtout du bon moment.
LG/Quel message ou émotion souhaitez-vous transmettre au travers de vos photos?
BB/En prenant une photographie, je cherche évidemment le message que je veux transmettre, mais on n’est pas dans la photographie de reportage et donc il s’agirait plutôt de message émotionnel. Je recherche particulièrement à transmettre une atmosphère de sérénité, d’apaisement car nous en avons tous besoin à un moment ou à un autre. Je recherche aussi à transmettre un sentiment d’isolement et de solitude; je pense que ces deux sentiments permettent de mieux se construire et d’avoir plus de force intérieure à l’heure où nous sommes inondés d’images et d’informations auxquelles il est difficile d’échapper. Et enfin, j’aime aussi que mes photographies ne soient pas trop évidentes; qu’elles interpellent le spectateur. Il doit ainsi entrer dans une autre monde et se créer sa propre histoire.
LG/Quels sont vos projets photographiques en préparation ou réflexion?
BB/Je compte bien sûr poursuivre ma voie entre minimalisme et abstraction; elle me convient bien et j’y trouve beaucoup de plaisir. La photographie aérienne, que j’ai découverte depuis peu, promet aussi des perspectives très intéressantes. Mon prochain projet est un reportage photographique d’un endroit nommé Bombay Beach en Californie. C’est un lieu totalement étrange, car le lac extrêmement pollué a fait fuir la population; de nombreuses maisons sont abandonnées, l’endroit semble absolument dévasté, mais assez photogénique. Je pense que cela va être un excellent sujet que j’aimerais traiter de manière artistique, à la fois de manière abstraite ou minimaliste. Un challenge!
LG/Si vous deviez choisir une photo ou une série photo dans votre travail pour vous représenter, quelle serait-elle et pourquoi?
BB/Je pense que cette photo de la série “Abyss” définit parfaitement bien mon style photographique. Elle parle d’eau, de minimalisme et d’abstraction, de tonalité — ces composantes d’une photo qui me sont particulièrement chères. Elle a à la fois une réelle énergie, car on peut ressentir la force des vagues, et en même temps elle est apaisante de par son jeu de couleur et son coté minimaliste esthétique. Elle n’est pas évidente non plus à interpréter: que voit-on? comment est-ce pris? Cela donne du sens à la photo.
Brigitte Bourger est originaire de France métropolitaine et vit depuis plus de 35 ans en Polynésie française. Pharmacienne de profession, elle consacre maintenant tout son temps à la photographie.
Elle a travaillé ces trois dernières années sur le projet “ Ephémères impressions », une série de photographies qui montre la fragilité du monde marin polynésien.
Ses nouveaux projets vont vers la création photographique artistique liée au monde marin dont elle est entourée.
Interview by Laura Galinier.
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